Source : France Bleu
Eric Peclet, l'instituteur de Genlis accusé en novembre 2016 du viol d'une fillette de quatre ans avant d'être blanchi quatre mois plus tard par des résultats ADN, dénonce les lenteurs de l'enquête toujours en cours. Il a envoyé une lettre à la ministre de la Justice et au défenseur des droits.
En mars 2017, après quatre mois de prison, Eric Peclet était finalement mis hors de cause dans le viol d'une fillette de quatre ans de sa classe. L'ADN du sperme retrouvé sur la culotte ensanglantée de la petite fille, n'est pas le sien mais il serait celui d'un des membres de la famille de l'enfant. Depuis, il est toujours placé sous le statut de témoin assisté. A ce jour aucun membre de la famille de la petite n'a été mis en examen. Une situation insupportable pour l’instituteur de Genlis qui a décidé d'envoyer une lettre à la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et au Défenseur des Droits, Jacques Toubon.
Depuis bientôt un an, malgré les expertises scientifiques accablantes, malgré les demandes répétées de mon avocat, la situation particulièrement choquante et alarmante est aujourd'hui celle-ci : aucune information judiciaire n'est ouverte visant l'auteur du sperme mélangé au sang du viol, qui reste auprès de l'enfant" - Eric Peclet, instituteur mis hors de cause du viol de la fillette.
Eric Peclet (à droite) et son avocat Claude Llorente ont décidé d'envoyer un courrier à la ministre de la justice et au défenseur des droits pour enfin avoir des réponses. © Radio France - Lila Lefebvre
"Madame la ministre de la justice, je me permets de vous écrire afin de vous alerter sur une situation d'urgence dont la Justice ne semble pas vouloir prendre toute la mesure dramatique. [...] Depuis bientôt un an, malgré les terribles expertises scientifiques accablantes malgré les demandes répétées de mon avocat, la situation particulièrement choquante et alarmante est aujourd'hui celle-ci : aucune information judiciaire n'est ouverte visant l'auteur du sperme mélangé au sang du viol, qui reste auprès de l'enfant". Ce sont par ces mots qu'Eric Peclet interpelle la ministre de la Justice. Il dénonce les lenteurs de la procédure qui n'ont pas permis depuis plus d'un an d'éloigner la petite fille de son agresseur sexuel présumé.
Du sperme retrouvé sur la culotte de l'enfant
En novembre 2016, les parents de la petite fille alertent la gendarmerie : ils ont retrouvé l'enfant avec une large tache de sang mélangée à du sperme sur sa petite culotte au moment de lui faire prendre le bain. Les enquêteurs interrogent l'enfant qui parle de son "maître", qui lui aurait "gratté le kiki". Le maître, c'est Eric Peclet qui assure un remplacement dans cette école maternelle. Il est mis en examen puis placé en détention.Erci Peclet et son avocat ont reconstitué la principale pièce à conviction de l'enquête pour alerter la ministre de la Justice et le défenseur des droits. En rouge, les traces de sang, en vert, de sperme. © Radio France - Lila Lefebvre
Quatre mois plus tard, les résultats d'analyse de la culotte montrent que le sperme retrouvé sur la culotte est celui d'un membre de la famille de l'enfant. Eric Peclet peut alors sortir de prison. Il devra toutefois attendre jusqu'à novembre dernier pour que sa mise en examen prenne fin. Aujourd'hui, il reste placé sous le statut de témoin assisté.
À ce jour, aucun autre homme n'est inquiété par la justice dans cette affaire. Pour expliquer la présence de sperme d'un membre de la famille sur la culotte, la thèse de l’imprégnation indirecte est avancée. C'est-à-dire que le sperme se serait trouvé sur un autre vêtement dans le panier à linge sale de la famille, et au moment où les parents ont mis la culotte de la petite fille dans le panier, le sperme se serait mélangé au sang déjà présent.
La preuve est sur le bureau du juge d'instruction depuis un an !" Eric Peclet, instituteur mis hors de cause du viol de la fillette.
Une situation alarmante pour Eric Peclet comme pour son comité de soutien, qui compte près d'une quarantaine de personnes, dont d'autres enseignants. Ils ne comprennent pas qu'il n'y ait pas eu de nouvelles mises en examen alors que pour eux, la preuve de la culotte est indubitable. "Au regard de cette preuve accablante, indiscutable, de cette large tâche de sang mêlée à du sperme, nous pensions que la procédure irait vite, aujourd'hui cela fait un an et nous ne comprenons toujours pas pourquoi", s'insurge Claude Llorente, l'avocat d'Eric Peclet. Les deux hommes ont donc reproduit cette pièce à conviction qu'ils ont jointe à la lettre envoyée à la ministre et au défenseur des droits. "La preuve est sur le bureau du juge d'instruction depuis un an !" , insiste Eric Peclet.
Son comité de soutien était venu en nombre, parmi eux des instituteurs très inquiets pour l'avenir de la fillette. © Radio France - Lila Lefebvre
"L'instruction est toujours en cours, leur répond Eric Mathais, le procureur de la République de Dijon, il y a eu des investigations sous l'autorité du juge d'instruction, d'autres sont encore à venir". Procureur qui regrette que la temporalité de la justice soit sans cesse mise en cause : "Lors de la mise en examen de monsieur Peclet, on a crié à la précipitation, aujourd'hui on demande une procédure plus rapide ? Il faut laisser la justice travailler".
à lire Éric Mathais, procureur de la République de Dijon, est ce lundi l'invité de France Bleu Bourgogne
Ceci dit, le parquet reconnait que la situation est tendue au tribunal de Dijon, au lieu des quatre juges d'instruction nécessaires, jusqu'à il y a quinze jours il n'y avait qu'un magistrat en charge des dossiers.
Pas d'avocat spécifique pour la fillette
Ce cri d'alarme est partagé par l'association "Innocence en danger" , son avocate Maître Marie Grimaud s'exprimait dans le journal l'Express, elle s'insurge que dans ce procès l'avocate de la petite victime soit la même que celle de ses parents, "nous avons là un vrai problème de fonctionnement de la justice". Aujourd'hui, le père de la petite fille, qui fait partie des suspects reste partie civile et est donc défendu par le même avocat que sa fille.Maître Marie Grimaud déplore que sa demande de désigner un administrateur ad hoc, qui permettrait de fournir à la fillette un avocat propre, n'ait pas abouti. Au parquet on rétorque que la demande est encore à l'étude, et n'a fait l'objet d'aucun rejet.