Publié le 28/09/2019
Source : Le Bien Public
Source : Le Bien Public
« Cela fait plus de deux ans que j’aurais dû bénéficier d’un non-lieu »
Deux rapports d’experts communiqués par le juge d’instruction un an après qu’ils ont été rendus, un avis de la chambre de l’instruction recommandant une morpho-analyse (1 ) des taches non suivi, un collectif qui interpelle les pouvoirs publics… Dans l’affaire du viol d’une fillette à Genlis, rien n’est simple et ne semble bouger depuis plusieurs mois.
Le cas du viol d’une fillette à Genlis est toujours nommé, de manière informelle, “l’affaire Peclet”, du nom de l’instituteur désigné dans un premier temps comme l’agresseur présumé par l’enfant de 4 ans au moment des faits.
Malgré un test ADN pointant du doigt la lignée paternelle de la victime, malgré la levée de sa mise en examen, l’instruction semble interminable pour celui qui crie son innocence. Pour le moment, il reste sous le statut ambigu de témoin assisté et s’interroge sur la lenteur des rouages judiciaires « prompts à mettre en cause, mais lents à trouver le vrai coupable ».
Le dernier rebondissement n’en est pas vraiment un, mais alimente un peu plus l’incompréhension autour du timing dans ce dossier brûlant, comme l’explique Éric Peclet : « Des rapports des deux experts ont été reçus par le juge d’instruction en mai 2018 et nous ont été communiqués… en mai 2019. L’un certifiant que la tache de sperme mêlée à la tache de sang de la petite contient bien du sperme, sur toute la longueur et toute la largeur. Ce que l’on savait déjà, mais cette fois la possibilité d’un faux positif a été écartée. L’autre confirme l’étude de l’ordinateur du papa de la victime. À ma connaissance, il n’y a pas eu de nouvelles auditions, ni de mise en examen et la fillette vit toujours à son domicile, alors même que l’analyse du sperme a montré que l’ADN mitochondrial correspondait à la lignée paternelle. »
Il dénonce « une gestion chaotique »
Éric Peclet continue de vivre au jour le jour : « J’essaye de ne pas trop penser à l’affaire, de reprendre ma vie. Mais de temps en temps, quand de nouvelles choses tombent, il faut bien s’y replonger. Ces expertises que l’on découvre un an plus tard, cela s’ajoute à la longue liste des délires de l’affaire. C’est devenu presque banal dans la gestion chaotique de ce dossier. Cela fait plus de deux ans que j’aurais dû bénéficier d’un non-lieu et devenir extérieur à cette affaire. »
(1 ) La morpho-analyse est une technique d’investigation scientifique qui permet notament de déterminer, pour des traces de sang par exemple, si le liquide a été “projeté” ou si ce dernier provient d’un écoulement.
« Cela ne devrait plus être “l’affaire Peclet” depuis longtemps »
Maître Claude Llorente, avocat d’Éric Peclet
« Quand on parle du viol d’un enfant âgé de 4 ans, que l’instruction retienne durant un an deux rapports d’expertise, nous sommes en droit de trouver ça étonnant.
D’autant que la révélation de ces documents n’entrave pas la découverte de la vérité.
J’ai envoyé au magistrat instructeur de nouvelles observations, demandant un non-lieu en faveur d’Éric Peclet. Mon client est pris dans l’étau d’une accusation à tort et, malgré les éléments prouvant son innocence, nous avons l’impression que l’institution judiciaire fait comme si tout cela était anodin.
Sous prétexte qu’il est témoin assisté et qu’il n’est plus mis en examen, il ne devrait pas se plaindre.
Moi, je dis non, cela ne devrait plus être “l’affaire Peclet” depuis longtemps. »
Sous prétexte qu’il est témoin assisté et plus mis en examen, il ne devrait pas se plaindre. Moi je dis non.
Maître Claude Llorente, avocat d’Éric Peclet
Le collectif Droits des femmes 21 pose des questions… et attend des réponses
Le collectif Droits des femmes 21 (2) a interpellé, dans un courrier, plusieurs personnalités, comme Adrien Taquet, secrétaire d’État à la protection de l’enfance, Nicole Belloubet, garde des Seaux, Marlène Schiappa, secrétaire à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Jacques Toubon, défenseur des Droits, etc. Le document pose plusieurs questions concernant la gestion du dossier. En voici quelques extraits : « Quelles conclusions aurait tirées la justice de ces nombreuses expertises (confirmant le viol et la présence d’un sperme appartenant à la lignée paternelle de la victime, ndlr) qui vont toutes dans le même sens ? Est-ce que ces analyses et expertises seraient caduques ? Est-ce que les analyses et expertises étudiées et corroborées par les médecins faisant état de la présence de sperme appartenant à un “membre de la lignée paternelle” superposé au sang de la victime ne seraient pas des éléments graves ou concordants permettant de mettre en examen un suspect ? […] Pourquoi, bien qu’un administrateur ah hoc ait été désigné et que le viol subi par la petite fille n’a jamais été contesté, cette dernière et sa sœur ne font toujours l’objet d’aucune protection alors même qu’elles seraient toujours en lien direct avec les personnes masculines de la “lignée paternelle” correspondant à l’ADN extrait du sperme ? Pourquoi, en conséquence, aucun juge pour enfant n’aurait été saisi, ni aucune mesure d’assistance éducative, a minima , prononcée ? […] En conclusion, s’il ne nous appartient pas de nous immiscer dans une enquête et une instruction en cours, nous savons que, par manque de moyens matériels et humains, le temps judiciaire pour mener à bien des investigations est fort long. Cependant, un enfant victime de viol constitue une urgence absolue, et nous demandons que des explications nous soient apportées, des réponses à nos questions données et des mesures prises, ceci dans les intérêts et pour la sécurité de la victime et de sa sœur. »
Enfin, ce même courrier relève que d’autres faits, datés de 2017, auraient été constatés : « Me Grimaud, avocate d’“Innocence en danger”, partie civile, révélait dans une interview à France 3 Bourgogne-Franche-Comté qu’en juin 2017, sept mois après le déclenchement de l’enquête, la fillette aurait de nouveau été examinée par deux médecins légistes révélant des hématomes et des griffures sur tout le corps et des érythèmes au niveau des parties génitales : « Les spécialistes à qui j’ai montré ces résultats ont tous la certitude que la petite est victime de maltraitance physique et sexuelle, ce qui nous amène une nouvelle fois à la piste intra-familiale. »
Et la lettre de reprendre : « Ces révélations seraient-elles inexactes, fausses ou mensongères ? Et si tel n’est pas le cas, pourquoi ces éléments hautement suspects n’ont été suivis d’aucune action pour protéger les deux enfants ? »
Beaucoup de questions donc. Maintenant, le collectif (et la société en général) attend des réponses…
(2) Collectif d’associations luttant pour le droit des femmes et son application réelle en informant et sensibilisant le public.
Rappel des faits
17 novembre 2016
Les gendarmes placent en garde à vue Éric Peclet , 42 ans, instituteur remplaçant à l’école maternelle La Chênaie, à Genlis. Il a été désigné par une élève de 4 ans comme son agresseur sexuel. Les examens médicaux montrent que l’enfant a subi un viol. Les faits se seraient déroulés le 14 novembre.
19 novembre 2016
À l’issue d’une garde à vue prolongée, Éric Peclet est mis en examen pour viol et placé en détention provisoire, à la maison d’arrêt de Dijon. Il est immédiatement suspendu de l’Éducation nationale.
23 mars 2017
Rebondissement dans le dossier : les résultats de l’analyse de la culotte de la fillette, tachée de sang et de sperme, montrent que l’ADN du sperme n’est pas celui de l’instituteur.
24 mars 2017
Éric Péclet sort de prison, mais reste mis en examen du chef de viol, sous contrôle judiciaire strict et éloigné à 450 km de Dijon.
Juillet 2017
Contrôle judiciaire partiellement levé, Éric Peclet rentre en Côte-d’Or.
12 octobre 2017
Après une première requête rejetée en avril, le contrôle judiciaire de l’instituteur et sa mise en examen sont levés. Il passe sous statut de témoin assisté.
19 décembre 2017
L’inspectrice académique annonce à Éric Peclet sa réintégration. Il reprendra, en mai 2018, un poste administratif.
Mars 2018
Le juge d’instruction retire l’affaire à la gendarmerie et la confie à la police judiciaire de Dijon.
4 décembre 2018
De nouvelles perquisitions ont été menées.
10 décembre 2018
Trois membres de la famille de la victime font l’objet de garde à vue. Pas de mise en examen à la sortie.
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