Publié le 6/09/2018
Source :
Le Bien Public
Une nouvelle pièce s’ajoute au dossier dans l’affaire du viol d’une fillette à Genlis en novembre 2016. Un rapport médical et technique qui étaye la thèse qu’un proche de la victime, propriétaire du sperme trouvé sur un sous-vêtement, mélangé à du sang, serait l’auteur de l’agression.
« En conclusion, l’examen des pièces communiquées évoque en premier lieu que les deux taches de sang et de sperme constatées sur les sous-vêtements de l’enfant correspondent respectivement au sang de l’enfant (blessures des lèvres et de l’hymen) et au sperme d’un individu (identifié comme celui d’un proche, ndlr) ayant éjaculé au niveau de la vulve et du périnée. » Des phrases qu’on peine à lire, tellement les faits qu’elles mettent en lumière sont terribles. Mais ces quelques mots pourraient marquer un tournant significatif dans l’affaire.
Le rapport qui pourrait tout changer
Me Llorente défend Éric Peclet, l’instituteur qui avait été, dans un premier temps, arrêté, puis mis en examen par la justice. Ce fonctionnaire au dossier impeccable a toujours clamé son innocence. Il a bénéficié d’un comité de soutien actif et est passé sous le statut de témoin assisté en octobre 2017. Reste à trouver la vérité dans cette sordide affaire.
Pour disculper définitivement son client et « rendre justice à la victime », Me Llorente a commandé une analyse technique et médicale des taches de sperme et de sang retrouvées sur la culotte.
« La chambre de l’instruction avait suggéré, en octobre 2017, que soit réalisée une morpho-analyse des taches. Or, ça n’a pas été fait. Pourtant, ces fluides constituent une preuve scientifique croisée incontestable. J’ai cherché dans les archives de la justice française, à ma connaissance, c’est la première fois que l’on remet en cause une preuve croisée aussi accablante, avec ADN. C’est la première fois que cela ne débouche pas sur une mise en examen du propriétaire du sperme. »
Me Llorente s’est donc tourné vers le docteur Thevenot, qui exerce à la clinique Paré de Toulouse en tant que gynécologue obstétricien. C’est un ancien expert judiciaire, ex-chef de clinique.
Après analyse des éléments, il conclut que le sang et le sperme proviennent ensemble d’une tentative de pénétration, mais qu’en plus, un transfert de sperme sur la culotte par contact ou autre est exclu : « Les circonstances, la description des taches et l’examen de l’enfant amènent à l’hypothèse la plus évidente que les taches de sang proviennent des plaies vulvaires et hyménéales constatées et que la tache de sperme correspond à un écoulement provenant du périnée de l’enfant, dans la même zone. Cette tache de sperme est donc la conséquence d’une éjaculation masculine sur le périnée de la fillette. Nous n’avons pas, au vu du dossier, d’autre hypothèse sérieuse et vraisemblable ».
Il poursuit : « La thèse d’une pollution accidentelle de sperme dans la tache de sang, soit dans un bac à linge sale, soit par éjaculation directe, soit lors de toute autre manipulation, paraît anatomiquement extrêmement peu probable et non plausible ». Il insiste même en qualifiant l’hypothèse défendue par la famille de la victime comme « irréaliste ».
« Quand j’ai eu ce rapport en main, je me suis dit : “L’affaire est terminée, c’est le point final, il n’y a plus de questions en suspens” », conclut Me Llorente. « Pour moi, l’étau des preuves se referme sur l’individu qui a laissé son sperme. J’ai transmis les documents au magistrat instructeur. Nous attendons la suite… »
La thèse d’une pollution accidentelle de sperme dans la tache de sang n’est pas plausible.
Rapport du docteur Thevenot
Éric Mathais, procureur de la République de Dijon, a répondu à nos questions sur les suites judiciaires de l’enquête concernant l’affaire du viol d’une fillette à Genlis en novembre 2016.
À la fin du mois de mars dernier, le juge d’instruction retirait l’affaire à la gendarmerie pour la confier à la police judiciaire. Dans nos colonnes, vous indiquiez que l’on savait « qu’un membre de la famille de la jeune enfant est gendarme et que l’un de ses proches est une piste sérieuse ». Où en sommes-nous aujourd’hui par rapport à cette piste sérieuse ?
L’instruction s’est poursuivie en dehors du document dont vous avez eu copie. Il y a eu une expertise qui a été lancée, toujours sur des questions d’ADN. Par respect du secret de l’instruction, et comme l’expertise est toujours en cours, je ne peux pas trop rentrer dans les détails. »
Ce proche de la famille a-t-il déjà été entendu par la police judiciaire ?
« Non. Pour l’instant, il n’y a pas de nouvelles auditions, interpellations ou gardes à vue qui sont intervenues. En dehors de l’expertise qui a été décidée par le juge d’instruction, et par rapport à laquelle il souhaitait avoir les résultats avant de faire d’autres investigations éventuelles, le dossier n’a pas particulièrement progressé. »
Selon vous, que change l’expertise du docteur Jean Thevenot datant du 1er août dernier, mise en avant par la défense d’Éric Peclet, expliquant que la petite fille aurait bien été pénétrée, et que le sperme et le sang retrouvés dans sa culotte ne pourraient pas provenir d’un « échange de flux » ?
« À mon avis, elle ne change pas fondamentalement les choses. On savait déjà qu’il y avait eu une agression au niveau sexuel et que l’hypothèse d’un transfert secondaire était assez peu probable. Ainsi, pour moi, cette expertise n’est pas un coup de théâtre. »
Plus globalement, selon vous, pourquoi cette affaire est-elle si sensible ?
« Parce qu’elle a comme victime un enfant et que c’est toujours très délicat. Parce qu’une première personne (Éric Peclet, ndlr), qui était instituteur, avait été mise en cause et détenue, qu’elle a obtenu un certain nombre de décisions, notamment de la chambre de l’instruction, et qu’elle a des avocats qui ont souhaité beaucoup communiquer, ce que l’on peut comprendre d’ailleurs. »
L’envoi, le 7 mars dernier, de la reproduction d’une culotte tachée de sang et de sperme à la ministre de la Justice et au Défenseur des droits a-t-il fait réagir les deux personnes précitées ?
« Le Défenseur des droits s’est intéressé à ce dossier, puisqu’il m’a interrogé. Du côté de la ministre de la Justice, elle avait été informée, puisque le dossier est évidemment suivi par le parquet général. »
Toujours en mars dernier, le magistrat instructeur avait décidé de nommer un administrateur ad hoc pour veiller aux intérêts de l’enfant violée, à la demande de Me Grimaud, avocate de l’association Innocence en danger (partie civile dans le dossier). Mais l’avocate de la famille avait fait appel de cette décision. Pensez-vous aujourd’hui que l’enfant est en sécurité dans son environnement ?
« La chambre de l’instruction a confirmé la désignation de l’administrateur ad hoc. La petite fille a donc un avocat qui peut être différent de celui de ses parents. Par ailleurs, j’avais saisi l’Aide sociale à l’enfance d’une demande d’investigation pour vérifier s’il y avait un danger nécessitant éventuellement un placement de l’enfant. Or, les éléments que j’ai reçus ne vont pas du tout dans ce sens. »
Propos recueillis par Vincent LINDENEHER